
Jeunesses Politiques et Coopératives
À quelques semaines de notre Fabrik à Déclik des Partenaires, nous vous partageons une deuxième note d’inspiration visant à explorer ce que pourraient être les “jeunesses contributives”.
Permettre à chaque jeune
de réaliser son projet de vie
au service du bien commun
Loin des approches classiques et dévalorisante du jeune passif, dépolitisé, paresseux ne voulant plus travailler et biberonné à l’idéologie de sur-consommation, nous tentons de voir en quoi les jeunes peuvent être partie de la solution aux urgences qui nous poussent tous à l’action et de réfléchir aux moyens de leur donner la place qu’ils méritent en ce sens.
DE LA POLITIQUE DE LA JEUNESSE...
AUX JEUNESSES CONTRIBUTIVES
De la politique de la jeunesse…
Selon l’expression de la sociologue Cécile Van de Velde, la politique de la jeunesse est celle du « devenir adulte ». L’État considère la jeunesse comme une phase de transitions vers un emploi stable, un logement ou encore une situation familiale. Les politiques publiques cherchent ainsi à permettre les meilleures conditions d’entrée dans la vie adulte et peuvent devenir des politiques d'égalité des chances en ciblant l'insertion de ceux dont les transitions seraient moins faciles. Le programme 100% Transition a accompagné des jeunes dits "NEET" (ni en études, ni en emploi, ni en formation), aussi considérés comme "invisibles" car ils sont hors du champ de vision de l'institution.
… Aux jeunesses contributives
Et si derrière cette politique, on entendait « égalité des chances d’accomplir son projet de vie » ? Dès lors, il ne s’agirait plus seulement d'accompagner certains jeunes dans une perspective de réponse aux besoins, aujourd'hui lus comme des problèmes ou des freins (emploi, logement, transport, culture, santé, etc.) mais tous, selon leurs aspirations et leurs potentielles contributions. La jeunesse devient alors l’un des cadres fertiles de solutions du 21ème siècle et il s'agit de faire de la Société le lieu de réalisation des aspirations de chacun. Par ailleurs, les jeunes vivent une période charnière au regard des défis environnementaux et sociétaux et des effets qui en découlent : en première ligne des conséquences du changement climatique, du chômage, de la crise démocratique, etc. Parce qu'il est temps de donner à la jeunesse les moyens de répondre à ses nouvelles craintes et aspirations, nous visons, au sein de 100% Transition, une stratégie de constitution d’alliances capables de lier projets de vie et projet de Société en s’inscrivant dans une dynamique nationale autour de la jeunesse.
14-18 ans
L'âge de L'individualisation et injonction
à trouver sa place ?
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À cet âge, coeur de l'artificielle "adolescence", qui n'a ni bornes définies ni substance absolue, les apprentissages institutionnels perdurent mais ont vocation à se spécialiser. Les élèves eux-mêmes, sont invités à s'orienter, soit au sein de filières dites générales (dont l'oxymore révèle l'élitisme) ; soit au sein de filières dites technologiques ; soit au sein de filières dites professionnelles qui peuvent être menées en apprentissage (baccalauréat professionnel ou CAP). Au sein de 100% Transition, nous pensons que la finalité de l'éducation ne saurait se réduire à l'employabilité, toutefois, il reste que les élèves perçus comme précoces ou "en avance" sont bien les élèves qui ont eu leur baccalauréat général à 14 ans et non ceux qui travailleront dès 16 ans. Alors qu'attend-t-on de ces jeunes ? Quelle place sont-ils censés prendre dans une Société en mutation (transformations du travail, numérisation, individualisation et globalisation, etc.) ? Comment les accompagner alors même que s'ajoutent de nouveaux autruis significatifs, en plus de leurs parents (entraide au sein de groupes de pairs, rôle des enseignants, etc.) ?
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Pour éclaircir cette période de la vie et cette place à prendre, une piste issue de 100% Transition pourrait être la reconnaissance des compétences qu'ils activent par ailleurs (entraide, créativité, esprit critique, revendications, etc.). Ces capacités sous-valorisées constituent autant d'éléments indispensables au développement des individus que de leviers de participation et de transformation de notre Société. Et si c'était là, qu'il fallait chercher les ressources pour affronter les nouveaux enjeux du 21e siècle ?
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Si cette note s'attache à angler la jeunesse comme potentiellement contributrice de transformation sociétale et environnementale, nous nous inscrivons dans une vision transversale qui admet que le changement de paradigme induit par un nouveau référentiel de valeurs (économiques, culturelles, environnementales, etc), impliquant la reconnaissance et la valorisation de nouvelles compétences, ne peut se faire en mettant dos à dos certains groupes. Comme le dit Camille Etienne, figure de l'activisme écologique, il faut veiller à ne pas instrumentaliser l'enjeu environnemental en faveur de l'idée d'une rupture générationnelle : "Au-delà d’être fausse, l’expression « génération climat » est dangereuse, elle empêche de voir l’éléphant au milieu de la pièce : la fracture sociale [...]. En faisant de l’écologie un conflit de générations qui, en réalité, a toujours existé — jeunes âmes révoltées contre vieux sages privilégiés —, ils la dépolitisent de nouveau."
Créer des conditions favorables pour activer les nouveaux savoirs et compétences du 21è siècle

14-18 ans et politique
Génération de crises et régénération de projets ?

GÉNÉRATION DES CRISES ?
Crise sociale, crise écologique, crise financière, crise sanitaire, crise démocratique... Si la crise n'est pas l'apanage de la génération actuelle, il reste que l'urgence à les résoudre est plus prégnante aujourd'hui. De nombreux travaux montrent par exemple que dans la hausse continue de l'abstention, qui pourrait paraître comme une non-réponse aux yeux d'institutions, réside une vraie position politique prise par les jeunesses visant à manifester leur mécontentement lié à l'offre politique ou leurs doutes vis-à-vis du levier transformatif de l'élection. Il s'agit alors d'anticiper les attentes, nouvelles et souvent plus exigeantes, des jeunes en termes d'engagement et de démocratie, et ce, sans attendre l'âge du citoyen électeur.
FOCUS SUR YOUTH FOR CLIMATE
Youth For Climate s'inscrit en France dans le mouvement de jeunesse international Fridays For Future, lancé par Greta Thunberg. Le mouvement considère que "les apprentissages classiques n’aident pas les citoyens à construire un monde basé sur la solidarité, la résilience et le respect du vivant" et appelle à une inclusion de l'enjeu environnemental dans les cursus (une heure transversale obligatoire et inclusion de la thématique dans toutes les matières) ainsi qu'à l'apprentissage de connaissances et compétences liées à la résolution de crise (le créneau est abordé "sous une forme novatrice, axée sur la réflexion, l’échange et la créativité" et doit "donner l’occasion aux élèves d’être acteurs du cours et non seulement spectateurs, en laissant du temps pour le débat et le développement de l’esprit critique"). Si la stratégie divise les membres, de la désobéissance civile non violente aux actions "coup de poing", Youth For Climate marque une convergence de ces enjeux au sein des nouvelles générations.
ENGAGEMENT INDIVIDUEL ET REVENDICATIONS COLLECTIVES
Si la place de la revendication dans l'identité des jeunes n'est pas nouvelle, on peut observer qu'elle croît ces dernières années, au moins sur le plan des témoignages de détresse et d'isolement, aidée par les réseaux sociaux comme support et vecteur. Par ailleurs, les modalités d'engagement des jeunes se modifient. En réaction à un sentiment d'inertie face aux sujet urgents, se développe un engagement individuel qui se situe plutôt hors des cadres institutionnels (syndicats, partis politiques, etc.). En référence aux travaux de sa consoeur Sarah Pickard autour du "Do it ourselves politics", Patricia Loncle évoque "l’engagement [qui] devient composite et multiforme dans la mesure où la même personne peut à la fois s’engager dans la sphère privée (en pratiquant la réduction des déchets par exemple) et au local (en adhérant à une association de son territoire) tout en militant à l’échelle nationale pour une cause particulière et en signant des pétitions internationales sur des sujets devenus globaux comme #Metoo, Black lives matter ou encore Fridays for Future". Les jeunes semblent être autant tournés vers la remise en cause de ce qui est ou a été (structures, traditions, etc.) que vers l'action - individuelle comme collective - en faveur de perspectives futures justes et durables. Il paraît nécessaire de prendre en compte ces capacités d'action et de revendications, de les considérer comme des expressions politiques légitimes et de leur donner un cadre de pratique et d'expérimentation de nouvelles solutions, au risque de laisser détresse et colère dessiner la résignation face à un futur effondré.

14-18 ans et politique
Imaginer des espaces d'engagement et de contribution
Une tentative de réponse : le Service National Universel (SNU)
Depuis 2019, le service national universel (SNU) s'adresse aux français de 15 à 17 ans qui souhaitent "s'investir dans une société de l'engagement". Il se traduit par un "séjour de cohésion" de deux semaines suivi de 84 heures de mission d'intérêt général réparties dans l'année. Si le SNU entend accompagner l'insertion sociale et professionnelle, développer la culture de l'engagement, renforcer la cohésion nationale et faire vivre les valeurs républicaines au travers de thématiques variées (activités sportives, autonomie et connaissance des services publics, citoyenneté, culture, engagement, défense, transition écologique...), diverses limites peuvent lui être adressées. D'abord, ce que le sociologue Camille Peugny, spécialiste des inégalités, accuse d'être un "fantasme de vieux" : un séjour en uniforme et sans téléphone portable, alors même que la jeunesse se précarise, ne serait pas à la mesure des problèmes structurels qu'elle connaît et qui ne sauraient être comblés par un format court et coûteux (environ 110 millions d'euros pour 32 000 volontaires en 2022 et chiffré à plus d'un milliard pour une éventuelle généralisation) faisant douter d'effets pérennes et transformateurs. Par ailleurs, l'universalité du service est remise en cause : les jeunes vivant en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) sont sous-représentés, tout comme ceux issus des filières d’enseignement professionnel ou les enfants d’ouvriers. Aussi, un tiers des participants sont issus de familles où au moins un des parents occupe ou a occupé un emploi dans les « corps en uniforme ». Le caractère militaire (lever des couleurs, rituel républicain, hymne national, etc.) peut sembler en dissonance avec les aspirations des jeunes.
Des choix ambitieux pour les défis sociétaux ?
Le président des Jeunes avec Macron suggère de réaménager le dispositif en faveur de la sensibilisation écologique : "Pour pouvoir généraliser le SNU, je propose au président de la République de transformer le service national universel en service national écologique (SNE) [...] Toute une génération serait formée à la transition écologique, en s’appuyant sur des experts reconnus". Plutôt que d'écarter totalement un dispositif visant à accompagner les jeunesses dans leurs volontés d'engagement sociétal, nous pouvons tenter d'identifier les enjeux d'amélioration d'une telle vision. L'expérience 100% Transition nous apprend qu'une réponse militaire et d'autorité n'est sans doute pas la plus à même d'attirer et d'accompagner les jeunes, notamment les plus éloignés des institutions. L'idée de donner aux jeunes une année afin de contribuer à la société nous semble pertinente, mais le cadre actuel ne manifeste pas le fait que les défis sont importants : du point de vue des jeunes, nous pouvons raisonnablement avancer que défendre la patrie n'est pas l'objectif absolu mais le réchauffement climatique oui ; le cas échéant, développer la capacité à gérer des situations d'urgence (incendies, inondations, pollution, soins, etc. pourrait, par exemple, favoriser une contribution effective des jeunes aux enjeux de transition. Les initiatives actuelles, si elles éclairent des voies, ne sont pas en capacité de remplir les objectifs donnés en raison de leur périmètre et de leur ambition. Dans quelle mesure le service civique par exemple, proposé en continuité du SNU, n'est-il pas qu'un sous-emploi dans diverses associations ? 100% Transition nous amène à croire que pour atteindre un horizon transformatif, il s'agit de permettre l'acquisition de compétences du 21ème siècle, liées à la redirection écologique et sociale.
14-18 ans
Les compétences pour une contribution politique
La jeunesse aux avant-poste des évolutions
Les jeunes sont régulièrement aux avant-poste d'évolutions sociétales et culturelles. On peut citer les mobilisations marquantes des jeunes lors de la guerre du Vietnam, du printemps arabe ou des évènements de la place Tian'anmen. Si les jeunes revendiquent, nous proposons d'écouter ce qui peut se jouer dans leurs prises de position : des envies de contribuer, de faire ensemble et d'agir pour le bien commun. Ecouter ce qui se joue, nous oblige à imaginer les cadres permettant la mise en action attendue. ll reste alors à créer les modalités pour faire avec elle, plutôt que de l'obliger à protester.
Les compétences du 21e siècle pour faire avec elle
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Les éléments de cohésion, d'engagement ou d'émancipation nécessitent un temps long, une modification des cadres de permission (culturelles, financières, juridiques, démocratiques, etc.) , et ainsi, le dialogue et la coopération d'acteurs hétérogènes.
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De nombreux acteurs de l'éducation, de la formation et de l'orientation cherchent déjà à intégrer et valoriser les compétences nécessaires à la à l'engagement des jeunesses aux côtés d'autres groupes sociaux, visant la résolution des crises sociales et environnementales.
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Les compétences du 21e siècle à objectiver sont alors à la fois personnelles sociales et citoyennes (esprit critique, créativité, innovation, conscience du monde et des autres)
Initiative inspirante
Osmose est un consortium piloté par la coopérative de jeunes Kpa-Cités et le CFA de La Rochelle, et comprend également la fondation Fiers de nos quartiers et l'association La Proue. L'intention à l'origine de cette coopération est de créer une formation-action innovante sur les métiers de la transition écologique et sociale. Cette initiative a permis des échanges mutuels apprenants avec le collectif de 100% Transition.
Les principales innovations du parcours visé sont les suivantes :
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Proposer un parcours sans couture entre une structure d'éducation populaire basée sur le pouvoir d'agir et l'entrepreneuriat coopératif et un organisme de formation capable de sécuriser un parcours et de transformer en compétences transversales une expérience,
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Offrir aux jeunes en formation professionnelle d’avoir un nouveau type de relations aux entreprises - proactifs dans leurs relations en proposant des prestations, allant au-delà d’une expérience de stage en entreprise,
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Permettre a minima la qualification voire la certification de l’approche pour permettre de reconnaître des savoirs expérientiels, techniques et les connaissances acquises par l’entrepreneuriat coopératif,
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Former des citoyens aux enjeux de la transition écologique et sociale et à l’obtention de savoir-être et compétences transversales - et non à une approche métier - qui leur permettront quelque soit leur métier futur d’être garant de la cohérence sociale et environnementale de leurs pratiques professionnelles.